Secrets d’écriture avec Catherine le Gallais

Il y a autant de curieux d’écriture que de personnes qui la pratiquent. Elle est utilisée de diverses manières, pour exprimer, questionner, élaborer, communiquer, jouer, penser, panser… Lorsque je rencontre des amoureux des mots avec qui l’étincelle se produit, nous parlons d’écriture à bâtons rompus.
J’ai choisi d’en inviter certains  à partager un peu de leurs secrets d’écriture au travers d’une série de questions qu’ils s’approprient comme bon leur semble.
Mon invitée Catherine Le Gallais, écrivain, est aussi délicate que talentueuse. Elle a accepté de satisfaire ma curiosité et d’évoquer son écriture.

• A quel moment commences-tu à écrire lorsque tu as un projet ?
Mon écriture poétique est en gestation permanente et ne s’organise pas autour de projets précis. Dans ce domaine, je n’ai d’autre travail que de me mettre en condition de pouvoir accueillir la parole poétique lorsqu’elle se manifeste. Cela implique beaucoup de lectures, de contemplation, de rêve, de musique, d’observation du quotidien et une qualité d’écoute pour laquelle j’essaie de me rendre disponible.
Dans le domaine de l’écriture romanesque, le plus difficile consiste, pour moi, à trouver un projet. L’écriture commence donc bien en amont. Page après page, elle m’oriente vers le lieu où se trouve le projet à venir. Parfois cela peut prendre des années…

• Quelles sont tes habitudes d’écriture au quotidien ?
Quand le projet est assez défini et qu’il est clair à mes yeux dans quelle direction j’ai à travailler, je me mets à l’ordinateur pour des séances de travail intensives faites d’écriture et surtout de réécriture.

Dans les phases de recherche, j’écris moins longtemps. Une ou deux heures par jour, en général le matin. Le plus souvent j’écris de la main droite mais il arrive que la gauche prenne le relai. Quand aucune des mains ne veut écrire, je les laisse dessiner en essayant d’être à l’écoute de ce qui tente de se dire. Dans ces phases, je me relis peu et ne corrige presque rien.

Il peut arriver qu’une intuition soudaine me pousse directement à l’ordinateur sans passer par le labeur du cahier de brouillon. Et qu’alors un texte s’écrive ainsi. Mais c’est rare.

• As-tu besoin d’un environnement particulier ? Où t’installes-tu ?
A mon bureau. Dans le silence. J’ai un attachement obsessionnel à « la table de travail». J’y associe deux images d’Epinal. La première est celle d’un vieux rabbin étudiant les textes sacrés, la nuit, dans le halo d’une faible lampe de chevet. La seconde est celle de mon grand-père debout, vu de dos, devant son établi de bricoleur.

• Quels sont tes rituels d’écriture ?
J’aimerais avoir des rituels qui me permettraient d’entrer dans un rythme d’écriture aussi régulier que le souffle. J’aimerais avoir des rituels qui contiendraient à l’intérieur d’un cocon chaleureux et rassurant le risque de morcellement lié à la créativité. J’aimerais avoir des rituels chamaniques qui convoqueraient les ombres, les fantômes et les gnomes dans une ronde autour de ma table. J’aimerais avoir un rituel qui maintienne une flamme, même faible, dans l’obscurité de l’hiver. Mais je n’en ai pas. Mon travail reste malheureusement plus erratique que j’aimerais.

• Que fais-tu quand ça ne vient pas ?
Je pleure, je mange du chocolat et ensuite j’ai mal au ventre et je me déteste, j’écris des textes qui disent que je n’y arrive pas et décrivent la forme que le blocage prend cette fois-ci, je fais du sport, j’essaie de noter quelle forme pourrait prendre le bonheur parfait aujourd’hui, je fais un inventaire de professions alternatives, je médite, je fais une promenade.
Plus sérieusement, avec deux collègues en écriture, nous avons constitué un groupe d’écriture qui se réunit à peu près toutes les trois semaines. Nous y écrivons et y lisons nos textes, discutons de leur avancement et de pistes possibles. Cet atelier informel qui dure depuis quatre ans m’a beaucoup aidée à ne pas perdre courage, à identifier les pistes singulières de mon travail et à écrire ma première oeuvre de fiction.

• Quel est le texte qui t’a procuré le plus de joie à écrire ?
Je viens de finir un manuscrit dont l’écriture m’a pris dix ans. Ce travail ne m’a pas toujours apporté de la joie – loin de là – mais en écrivant les dernières pages, j’ai éprouvé beaucoup de bonheur.
Certains textes poétiques m’ont procuré une joie immédiate. Elle a trait à l’incarnation du rythme dans le présent, à une coïncidence entre qui je suis, la langue et le monde.

• Et enfin, dernière question, as-tu une actu à communiquer ?
J’ai créé un blog, www.catherinelegallais.eu, sur lequel je partage ceux de mes textes que j’estime publiables. Ils forment un ensemble hétérogène qui ressemble davantage à un herbier qu’à un journal d’écrivain. J’y ai aussi publié quelques expériences faites avec la voix ou l’image.
En mars 2013, je vais animer un atelier d’écriture d’une semaine aux Ateliers d’écriture Elisabeth Bing, intitulé « Explorations ». Il s’adresse à des personnes qui n’ont pas encore suivi d’ateliers d’écriture créative et souhaitent débuter par une session intensive de neuf demi journées.

novembre 2012 0

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